BRUAY EN ARTOIS : LE BOURGEOIS CONTRE LES PROLOS.
Le 6 avril 1972, à Bruay-en-Artois, dans un terrain vague proche d'un quartier populaire, Brigite Dewèvre, 15 ans et demi, fille de mineur, est retrouvée morte. La veille, la jeune fille était partie de chez ses parents, vers 19 h 30, pour aller dormir chez sa grand-mère, qui habitait un peu plus loin. L'adolescente, en partie déshabillée, a été étranglée. Son meurtrier l'a traînée sur le terrain vague pour, certainement, retarder sa découverte. Les lunettes de l'adolescente n'ont, par contre, pas été retrouvées.
Le juge Henri Pascal est saisi de l'affaire, et les investigations sont menées dans le quartier où habite des mineurs, pour trouver l'assassin. Dans le coron, tout se sait, et le soir du meurtre, des témoins ont vu la jeune fille. Un certain Jean-Pierre, adolescent de 16 ans, qui a vu passer Brigitte, alors qu'il était assis sur "la pierre", petit escalier typique qui lie le trottoir à la porte d'entrée de l'habitation de son frère. Une femme dit avoir vu l'adolescente parler avec un homme à col roulé, vers 19h 45, c'est la dernière personne à avoir vu Brigitte vivante.
Une infirmière qui rentrait vers 20 h 10, chez elle, a remarqué la présence inhabituelle d'une 504 Peugeot, garée près de son logement, qui était proche du lieu du crime. Vers 22 h 30, surprise de la présence de ce véhicule inconnu dans le quartier, elle releva le numéro d'immatriculation et alla se coucher. La police identifia rapidement le propriétaire. Un certain Pierre Leroy, notaire de Bruay, notable de la cité minière. Face au juge Pascal, le bourgeois est mal à l'aise, s'embrouille, pour finalement avouer qu'il s'était garé ici pour rendre visite à sa maîtresse, Monique Mayeur, une femme mariée en instance de divorce. Le notaire est mal à l'aise et se montre confus dans ses témoignages, ce qui provoque la certitude de sa culpabilité chez le juge Pascal.
Dans un contexte de fermeture des houillères, la colère des mineurs va se retourner contre le notaire, riche notable qui, en plus, doit s'occuper de la reconversion du bassin minier. Il est désigné à la vindicte populaire par le "petit juge", qui instruit l'affaire sur la place publique, négligeant le secret de l'instruction. L'extrême-gauche maoïste, via La cause du peuple, va s'emparer de cette affaire pour stigmatiser ce sale bourgeois, exploiteur du petit peuple, et va carrément en appeler au lynchage du notaire. Voyant ce fait-divers comme un élément de la lutte des classes, l'extrême-gauche va mettre de l'huile sur le feu, chauffant à blanc les mineurs contre le notable.
Pierre Leroy est inculpé le 13 avril 1972 par le juge Pascal. Mais lors des 2 reconstitutions, le témoin qui avait vu Brigitte avec un homme inconnu ne reconnaît pas le notaire, beaucoup plus corpulent que l'individu au col roulé parlant avec l'adolescente. Le "petit juge" n'en démord pourtant pas, il est certain que Leroy est coupable et le fait savoir dans les médias.
Les avocats du notaire, considérant que le juge Henri Pascal instruit uniquement à charge, le font dessaisir du dossier, ce qui entraîne la colère des mineurs, qui voient dans cette acte, l'effet des relations de Leroy, qui compte échapper à la justice grâce à ses connaissances.
Mais dans un contexte plus serein, à Paris, les enquêteurs parisiens vont rapidement conclure à l'innocence du notaire et s'intéresser à un témoin oculaire, le fameux Jean-Pierre, adolescent qui avait vu, assis sur sa "pierre", l'adolescente le soir du meurtre. Manifestement, d'où il était, le jeune homme n'aurait pas pu voir l'individu dans la 504 Peugeot alors qu'il avait précisé avoir remarqué un homme corpulent et chauve, ressemblant au notaire, le soir du forfait. Interrogé, Jean-Pierre Flahaut, mis devant ses contradictions, avoua, en avril 1973, le meurtre de Brigitte. Il indiqua même au policier la localisation des lunettes de l'adolescente, dans un coffre, chez son frère. Cet adolescent de 16 ans, orphelin de père, avait pourtant milité activement dans le Comité pour la Vérité et la Justice qui désignait le notaire comme le coupable.
L'épilogue fut assez curieux. Le notaire et sa maîtresse blanchis, Jean-Pierre Flahaut fut relaxé par deux fois, au cours de 2 procès, pour faute de preuves. Pourtant, sa présence sur les lieux du crime et les lunettes de l'adolescente cachées chez son frère l'accablaient ! Mais les parents Dewèvre n'ont jamais cru à sa culpabilité, et Maïtre Kiejman, l'avocat de la partie civile, plaida pour la relaxe du suspect, ce qui est assez rare dans les affaires judiciaires. L'acharnement contre le notaire, pendant plusieurs mois, a certainement joué son rôle, laissant un doute sur la culpabilité du jeune homme.
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